pensées sensorielles

Commentaires: 20 (Discussion fermée)
  • #1

    Ben (dimanche, 15 décembre 2013 13:06)

    Bonjour Dayana,

    Merci de nous donner la possibilité de vous contacter de cette façon.

    Je ne sais pas si je comprends bien ce que vous entendez par pensée sensorielle. S'agirait-il de sensations programmées qui se surimposeraient à la réalité (par exemple ressentir le schéma corporel plutôt que le corps)? Se manifesteraient-elles dans toutes les perceptions, empêchant la perception directe, toujours fraîche, et créant ainsi un sentiment d'ennui, de déjà vu? Le cas échéant, comment se manifestent-t-elles? Comment regagner notre perception directe, originelle?

    Merci!

  • #2

    Dayana (dimanche, 15 décembre 2013 13:57)

    Bonjour Ben,

    La pensée sensorielle est une forme de pensée. Si on se pose la question "quelles sont les formes que prend la pensée?" (afin de mieux les reconnaître) on finit par observer qu'il y a les pensées langages, mots phrases, purement conceptuelles et les pensées sensorielles.

    Chaque sens a son équivalent dans la pensée. Ainsi par exemple, quand les yeux sont fermés il y a des images qui viennent comme derrière les paupières, idem pour les sons etc... C'est de ça que sont faits les rêves nocturnes: images, sons et langage principalement, alors que les sens sont endormis. Ce sont des pensées.

    Si vos yeux sont fermés et que vous pensez à vous même en tant qu'individu il est fort probable que derrière les paupières apparaisse une image de corps que vous vivez comme votre corps. Si vous ouvrez immédiatement les yeux vous allez réaliser que cette image corps "yeux fermés" n'a rien à voir avec la vision directe du corps. L'image yeux fermés est une construction mentale, c'est une pensée.
    Si vous comparez le ressenti de l'image visuelle avec celui de la vision directe vous allez percevoir comme une absence de vitalité, de vie dans la vision image alors que cette vie fait toute l'intensité de la vision directe.

    Un autre exemple, parfois on a l'impression de "rêvasser", un vrai film se déroule en soi avec des images qui défilent, des individus, paysages, des paroles etc... Dès qu'on arrête d'être "dans la lune" et que l'on revient à ici et maintenant c'est évidence que tout le contenu du film n'existe pas, exactement comme quand on sort du sommeil avec rêve nocturne. Le rêve nocturne est de même nature que le rêve diurne, il n'est pas fait que de pensées langages mais aussi de pensées sensorielles.

    Ainsi on peut dire, dans l'exemple de la vision, que la perception directe yeux ouverts est le réel alors que l'image visuelle yeux fermés n'ayant pas de support direct avec le sens opérationnel est imaginée.
    Dès lors que tout ceci est observé, il devient possible de se dégager de ce type de perception imaginaire en n'y prêtant plus attention. La réalité de l'instant apparaît donc dans toute sa fraîcheur.
    Quand cela n'est pas observé, ainsi que vous l'écrivez, il y a surimposition de la pensée sur la perception directe. L'attention restant figée sur la pensée donne ce sentiment de déjà vu et le cas échéant d'ennui.

    En reconnaissant la présence de la sensation imaginaire d'une part et en reconnaissant la différence de vécu entre elle et la perception sensorielle directe on devient capable de se détacher de la pensée sensorielle et de rester présent à la perception directe qui, elle, est toujours neuve pure et vie
    C'est par l'observation, écoute attentive de ce qui se passe vraiment à chaque instant que cela se fait.

    Avec plaisir de vous répondre

  • #3

    Ben (dimanche, 15 décembre 2013 15:27)

    Bonjour Dayana,

    Tout ceci est passionnant!
    Je saisis la différence entre le monde réel, basé sur nos sens physiques, et le monde imaginaire, basé sur la pensée sensorielle. Cela peut aller de la rêvasserie, comme vous dites, à l'hallucination pure et simple. Mais il peut toujours y avoir retour vers la perception directe.

    Mais peut-il y avoir simultanéité, confusion, entre perceptions réelles et pensées sensorielles? C'est à dire que l'image d'un objet quelconque recouvre la perception directe? Nous ne serions pas en contact avec autrui et le monde environnant mais avec l'image que nous en avons. Est-ce de cela dont il s'agit? Si c'est le cas, ces perceptions conditionnées me semblent (du fait peut-être de la simultanéité) difficiles à éliminer de façon à retrouver un regard neuf, frais, comme si c'était la première fois.

  • #4

    Ben (dimanche, 15 décembre 2013 16:26)

    En relisant votre message je me rends compte que je vous pose une question à laquelle vous avez déjà répondu. Veuillez m'en excuser. Cela exprime sans doute mon désarroi devant le fait qu'il m'est absolument impossible, dans ma vie quotidienne, de faire la part des choses. Ce que je constate, sans l'ombre d'un doute, c'est l'absence de regard frais, neuf. L'absence d'étonnement. La lourde et terne domination du connu.

  • #5

    Dayana (lundi, 16 décembre 2013 08:40)

    Bonjour Ben,

    En fait, toute pensée est une forme d'hallucination: c'est un rêve dérivé de la réalité qui se vit. Mais, en effet, à chaque instant il est possible de s'en détacher, dès lors que le rêve est vu et revenir au vécu direct sans pensée, c'est à dire sans film interposé.
    Ce que je remarque c'est que souvent cela prend comme du temps, l'habitude de s'identifier au rêve est forte, c'est un peu comme une rééducation progressive qui va amener à délaisser le rêve et revenir au réel. C'est par l'observation, l'écoute naturelle que nous sommes que cela se fait.
    Voyez dans votre expérience, que vous avez déjà vu la non vie dans ce qui est observé habituellement. C'est un bon pas. A partir de cela le regard cherche la fraîcheur la spontanéité du vécu car cela sait au fond de vous même que cette non vie n'est pas le réel. Faîtes confiance à votre profondeur, votre être, Le processus est en cours. Le fait également de votre intervention sur ce blog montre bien qu'il y a en vous ce processus qui cherche le vrai. Voyez le moteur, cela se guide tout seul et vous, vous assistez au chemin et aux découvertes.

  • #6

    Ben (lundi, 16 décembre 2013 17:13)

    Bonsoir Dayana,

    C'est vraiment enthousiasmant ce que vous dites, merci! Il est certain qu'il faut se livrer à cet enthousiasme sans réserve.

    J'aimerais tout de même vous poser deux questions juste pour le plaisir de discuter avec vous:

    1- Comment reconnaître la joie qui vient de l' Être du contentement d'un ego rassuré?

    Je me suis mis à la méditation dernièrement car j'avais remarqué que l'anxiété était souvent provoquée et entretenue par mon propre imaginaire. Aujourd'hui je suis en mesure de voir la pensée porteuse d'anxiété dès qu'elle apparaît, ce qui fait que l'émotion n'a pas le temps de se développer (voir la corde dans le serpent)

    2- Mais n'est-ce point aussi une façon de refouler l'émotion?

    Encore merci!

  • #7

    Dayana (mardi, 17 décembre 2013 01:44)

    Bonsoir Ben,

    1- La joie qui vient de l'être est sans objet, elle n'a aucune cause et ne dépend de rien d'autre qu'elle même. La joie qui vient d'un fonctionnement égotique semble dépendre d'une cause, d'un support objectif (qui vient de quelque chose) c'est ainsi que l'on croit que c'est le support qui conditionne la joie et que l'attachement au support en résulte.

    2- L'émotion est totalement en lien avec la croyance en l'imaginaire de la pensée. Elle est comme un pont entre le ressenti corporel et le mental. Quand le mental est au repos il n'y a pas d'émotion. (j'entends émotions égotiques et non pas la joie pure, l'émerveillement qui sont de notre essence même)
    Ainsi que vous l'avez constaté pendant la méditation, dès lors que la pensée porteuse d'anxiété est vue comme telle, elle est naturellement délaissée. Etant la source de l'anxiété, son abandon entraîne également la disparition de l'anxiété. Il ne s'agit pas d'une stratégie d'évitement mais de la résultante du pouvoir de discernement du regard c'est à dire de la conscience.

    Avec joie :-)

  • #8

    Dayana (mardi, 17 décembre 2013 08:16)

    PS au sujet de la joie:
    La joie, soi disant égotique ne l'est pas, elle est reflet direct de l'être de la même façon que la joie non conditionnée. C'est la pensée qui dans un second temps la saisit et l'interprète comme dépendante d'une cause faisant ainsi croire à un effet secondaire plutôt qu'à sa spontanéité originelle.
    L'ego est une vue de l'esprit et non une réalité présente par moment ou pas.

  • #9

    Ben (mardi, 17 décembre 2013 21:13)

    Bonsoir Dayana,

    Merci pur vos éclaircissements.
    Cette joie pure sans cause (sauf celle d'exister, s'il en est une), cet émerveillement est l'essence même de l'enfance, n'est-ce pas? Nous l'avons tous connue. Elle disparaît en général avec l'avènement de la prime adolescence et, sans doute, la domination toujours plus forte de l'ego. C'est elle que nous recherchons aujourd'hui au travers de pratiques artistiques, sportives ou spirituelles. À travers des jeux...
    Ne pas perdre de vue que ces pratiques ne produisent pas cette joie mais la révèlent, car elle leur préexiste, n'est-ce pas (est-il question de stimulation)?
    L'ego est une vue de l'Esprit. C'est donc l'Esprit qui voit et l'ego qui tente d'usurper cette vision, si vous permettez cette expression dramatique.
    Merci pour cette belle promenade!

  • #10

    Dayana (mercredi, 18 décembre 2013 08:09)

    Bonjour Ben,
    Oui au sujet de la joie et de ce que vous en dîtes. La joie est. Tout ce qui semble la provoquer n'est en fait qu'un moyen prétexte à la faire s'exprimer. La joie ressentie n'est pas la joie elle même, c'est un reflet. La joie préexiste à tous ses reflets. Elle ne peut pas disparaître mais semble occultée parfois par des reflets qui expriment son contraire. C'est une vue de l'esprit générée par les croyances égotiques.

    Quant à l'ego c'est une pensée. Cette pensée est crue et de ce fait génère ressentis et comportements qui sont inscrits dans le film de la pensée. La pensée "je suis un moi" est, par son contenu, usurpatrice de la vérité. La croire fait vivre ce rêve. Il n'y a pas d'entité "ego" usurpatrice de quoique ce soit.

    Ce n'est pas l'esprit qui voit mais la conscience. Sauf si le sens du mot "esprit" est synonyme de conscience pour vous.

    Merci à vous. :-)

  • #11

    Ben (mercredi, 18 décembre 2013 17:46)

    Bonsoir Dayana,

    Peut-on dire que c'est uniquement la conscience qui voit?

    L'identification au corps et au mental nous persuade que c'est eux qui voient, alors qu'ils sont vus, n'est-ce pas?

    Le plus difficile est de demeurer dans ce regard d'arrière-plan, en toute circonstance, mais on a tendance à occuper aussitôt le devant de la scène, à se prendre pour le personnage.

  • #12

    Dayana (jeudi, 19 décembre 2013 07:38)

    Bonjour Ben,

    "Peut-on dire que c'est uniquement la conscience qui voit?"
    - Oui, la conscience est regard, c'est ce que l'on est fondamentalement.

    "L'identification au corps et au mental nous persuade que c'est eux qui voient, alors qu'ils sont vus, n'est-ce pas?"
    - Oui., mais ni le corps ni le mental ne persuadent de quoique ce soit, ce ne sont que des formes. Comment une forme pourrait elle avoir ce genre de pouvoir. C'est ce que nous sommes qui se persuade que le corps et le mental voient et sont donc soi.

    "Le plus difficile est de demeurer dans ce regard d'arrière-plan, en toute circonstance, mais on a tendance à occuper aussitôt le devant de la scène, à se prendre pour le personnage."
    -Il n'y a pas à chercher à rester dans le regard d'arrière plan puisque c'est cela que l'on est. C'est à partir de ce regard que tout ce qui est perçu l'est. Ainsi, même quand l'attention reste figée sur l'avant plan, la scène où tout est projeté, cette attention fait partie de l'arrière plan. Le remarquer est cela qui change la perspective, la façon de vivre...sans rien changer à ce qui est.

  • #13

    Ben (jeudi, 19 décembre 2013 17:05)

    Bonsoir Dayana,

    Merci de bousculer ma façon de voir un peu stéréotypée et de m'ouvrir de nouvelles perspectives.
    L'attention est quelque chose de vraiment remarquable! Est-ce une extension de la conscience, la conscience elle même ou une simple fonction cérébrale? Excusez la stupidité de ma question, mais je ne peux la formuler autrement pour l'instant.

  • #14

    Dayana (jeudi, 19 décembre 2013 22:08)

    Bonsoir Ben,

    L'attention est comme le prolongement de la conscience, tel le doigt par rapport à la main. Sa nature, insaisissable, inconnaissable est la même. Le cerveau est perception au sein de l'attention, il n'en est ni le créateur ni le contenant mais le contenu comme d'ailleurs l'ensemble du corps.
    Il n'y a rien de stupide dans le questionnement qui est au service de la soif de vérité.

    Heureuse de parcourir ce bout de chemin avec vous.

  • #15

    Ben (vendredi, 20 décembre 2013 09:03)

    Bonjour Dayana,

    C'est extraordinaire ce que vous dites car l'attention, que tout un chacun peut expérimenter, nous ferait ainsi toucher du doigt la conscience, si j'ose ainsi m'exprimer.
    Quelle est donc cette volonté qui nous permet de promener notre attention dans toutes les parties du corps, avec une étonnante précision, d'étendre notre sensibilité quasi tactile au monde environnant...
    Et puis cette force qui accapare notre attention, l'absorbe dans toute sorte d'identifications...
    Et le retour à la conscience de l'identification...
    Qu'est-ce qui détermine tous ces mouvements?

  • #16

    Dayana (samedi, 21 décembre 2013 08:23)

    Bonjour Ben,
    "C'est extraordinaire ce que vous dites car l'attention, que tout un chacun peut expérimenter, nous ferait ainsi toucher du doigt la conscience, si j'ose ainsi m'exprimer."
    -Oui à chaque instant ce que l'on est est là.

    Les questions que vous posez sont le doigt du guide, c'est à dire de la conscience elle même, qui vous rappelle à vous souvenir de ce que vous êtes. Laissez les vivre en vous, ce sont des questions existentielles.
    C'est en habitant pleinement la question, en la vivant de tout son cœur qu'elle attire l'attention sur elle même: l'écoute qui se retourne sur l'écoute, le regard qui se retourne sur lui même....Et là, la reconnaissance de ce que l'on est peut se faire: le doigt se rappelle qu'il est main, la vague retourne à l'océan, le connu retourne à l'inconnaissable.

  • #17

    Ben (samedi, 21 décembre 2013 10:26)

    C'est beau. Merci.
    J'attends la prochaine vague...

  • #18

    Dayana (samedi, 21 décembre 2013 11:19)

    Bienvenue

    :-)

  • #19

    Jean Guy (samedi, 21 décembre 2013 19:02)

    Bonjour Dayana, et aussi Ben

    Si je peux me permettre, je lis vos post, et cela raisonnne d'une telle force qu'un fou rire
    vient de m'envahir.
    C'est beau, c'est vrai, c'est reconnu par la conscience.
    Si je comprend un peu, la conscience elle même croit qu'elle est ce corps et ce mental,
    elle le croit tant qu'elle n'a pas retourné son attention vers elle même.
    Merci

  • #20

    Dayana (samedi, 21 décembre 2013 20:18)

    Bonsoir Jean-Guy,

    oui c'est tout à fait ça.

    welcome!